lundi 21 avril 2008

Entretien avec William della Rocca


- Pourquoi Jean-Jacques Rousseau ? Pourquoi Les Confessions ?


Je ne savais à peu près rien de Jean-Jacques Rousseau jusqu’à ce que j’aille voir au cinéma le film Etoile violette qu’a réalisé Axelle Ropert et où il en est grandement question. Là, dans l’une des premières scènes, on voit un des personnages dire l’introduction des Rêveries du promeneur solitaire. Ces paroles m’ont bouleversé car elles exprimaient parfaitement l’état dans lequel je me trouvais à ce moment-là. Je me suis promis alors de m’intéresser de près à cet écrivain dont j’ignorais tout. Je puis jurer que, dès lors, Jean-Jacques Rousseau n’a eu de cesse de se rappeler à moi, car dans les jours qui ont suivi je n’ai quasiment pas arrêté d’entendre parler de lui. Très sensible à ce que j’ai vite fait d’interpréter comme des signes, je suis donc allé m’acheter un exemplaire des Confessions, et sa lecture m’a procuré une émotion telle que la possibilité de l’adapter pour la scène s’est très rapidement imposée à moi. Je dois avouer que j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi personne ne l’a fait avant moi car il me semble, et j’en ai eu la confirmation après les premières représentations que j’en ai données, que ce texte s’y prête parfaitement. Je n’ai d’ailleurs pas été étonné d’apprendre que Jean-Jacques Rousseau lui-même en a fait des lectures publiques. En fait, je constate que les gens qui ont lu ce livre sont finalement très peu nombreux, beaucoup en ont étudié des extraits lors de leurs études mais la plupart ignorent même de quoi il s’agit. Apparemment, on raconte à peu près tout et n’importe quoi sur Jean-Jacques Rousseau, les personnes qui le détestent semblent aussi nombreuses que celles qui lui vouent un culte sans égal. Cela est sans doute le prix de la sincérité, de la générosité et du courage dont il a fait preuve en offrant sa vie à ses semblables. Car ce qui nous semble banal aujourd’hui ne l’était certainement pas au 18ème siècle. Pour ma part, j’ai lu beaucoup de textes autobiographiques, mais aucun qui ait la force de celui-là, et l’empathie que j’éprouve pour son auteur ne fait qu’augmenter à chaque relecture.

- Qu’est-ce que la forme théâtrale peut apporter au texte ?

La vie, tout bêtement. Je crois aussi qu’elle permet à ceux qui n’ont jamais eu le courage, l’envie ou simplement la possibilité de lire ce livre de constater avec plaisir et étonnement combien la pensée de Jean-Jacques Rousseau est accessible et limpide, et surtout combien elle les touche, et les bouleverse même. Je fais partie de ceux qui pensent que le théâtre a un bel avenir devant lui car il sera peut-être bientôt le seul lieu où l’on pourra échapper à la virtualité qui envahit un peu plus chaque jour notre monde. Au risque de paraître pompeux, mon désir de porter les Confessions à la scène est un geste presque politique : celui d’affirmer, et de prouver, grâce à un petit spectacle sans moyens, qu’il existe une alternative au bourrage de crâne dont nous sommes victimes quotidiennement. Qu’y a-t-il de plus passionnant qu’un homme qui vient parler à ses semblables, et qui, sans esbroufe, par sa seule parole, les rend ainsi à eux-mêmes ?

- En quoi ce texte peut-il toucher la sensibilité contemporaine ?

Je pense que nous avons une grande soif d’authenticité, et le moins qu’on puisse dire est que les Confessions en regorge. De plus, je crois que nous sommes peut-être plus aptes que ne l’ont été bon nombre de ses contemporains à apprécier la valeur considérable du cadeau que nous a fait Jean-Jacques Rousseau. Je n’ai pas la prétention d’agir pour une quelconque réhabilitation d’une pensée qui semble aujourd’hui encore en déranger quelques uns, je souhaite simplement me mettre à son service et la faire entendre à des personnes pour qui elle va révéler de nouvelles possibilités. Et si je contribue de la sorte à rendre Jean-Jacques Rousseau un peu plus proche de ceux qui seront venus m’écouter, je serai pleinement satisfait.

1 commentaire:

Géral de Morin a dit…

Cher William, que ce projet immense me ravit et me remplit de joie! Tu es un grand comédien et un grand artiste. Je suis bien sûr impatient d'assister à la suite des Confessions au P'tit Saint-Hono, un rendez-vous que j'attends toujours avec un plaisir immense, et j'espère vraiment qu'un jour, le public privé du théâtre en appartement pourra aller t'applaudir sur une grande scène de théâtre.
Rencontrer Rousseau, que je ne connaissais pas, à travers toi, me grandit et me fait me rencontrer! Tu me donnes envie de le lire. Bonne route à monsieur Della Rocca jusqu'en 2012 avec Rousseau et encore plus loin dans le temps d'autres personnages à créer.
SylvainS