vendredi 25 décembre 2009

Claudette, Martine et nous


J'ai la grande chance de compter de plus en plus de spectatrices et de spectateurs qui nous honorent, Jean-Jacques et moi, de leur fidélité, répondent présent(e)s à chacun de nos rendez-vous, entraînent à leur suite de nouveaux adeptes et me témoignent ainsi leur attachement à ce projet.

Parmi ces personnes si précieuses, ces compagnons de route, est Claudette Belhassen. Une artiste aux multiples talents, rayonnante de vie, d'amour et de générosité, et qui m'a fait le merveilleux cadeau du texte que je reproduis, avec son accord, ci-dessous.

Texte qu'elle m'a lu et offert le soir de ma centième représentation, et dont je la remercie une nouvelle fois du fond du coeur.


A William

William a entrepris un voyage
Où mine de rien il nous embarque
Il coupe à travers les âges
À la rencontre de Jean-Jacques
Sur un chemin de Confessions
Pour lequel il s'est pris de passion

William, c'est un homme d'aujourd'hui,
Qui consacre son talent d'acteur,
A ce spectacle qu'il produit
Et où il sert avec bonheur
L'un des plus beaux textes d'auteur
Comme s'il était son âme soeur

Oui, William s'est fait le jumeau
De Jean-Jacques en toute amitié
Car il comprend si bien ses mots
Qu'il s'en habille tout entier
C'est un pur moment de magie
Qu'il nous fait vivre et qui agit

Merci pour ce patient travail
De tri, de choix, de découpage,
Car il faut un esprit qui taille
Dans un beau texte et le partage
Sans en dommager la beauté
Et au contraire l'exalter

Merci pour les heures solitaires
De doutes pleins de questions
Sur les jeux de scène qui opèrent
Et les longues répétitions
Pour ce moment privilégié
Où nous sommes tes invités

L'intériorité, la douleur
De Jean-Jacques, son fardeau
Sortent de tout ce labeur,
Et nous mettent à fleur de peau
William nous fait pleurer pour lui,
En comprenant tous ses ennuis

Mais de tout le plus remarquable
C'est qu'à la beauté de l'esprit
De cet homme si attaquable
William accorde le plus grand prix
Il nous donne à goûter sa pensée
Et son cheminement si racé

On se surprend à écouter
Ce bel esprit des Lumières
Durant des heures sans compter
Nous faire ses aveux sincères
Et la qualité de ce don
Nous émeut au plus profond

Je crois que cette réussite
Le silence heureux qui nous prend
La gratitude qui nous habite
C'est ton âme qui nous détend
Car si Jean-Jacques nous transperce
C'est toi William, qui nous bouleverse

C'est ta voix, ton corps, et tes yeux
Et toute ta sensibilité
C'est ton tact si chaleureux
Qui cueillent notre complicité
Car ces Confessions, ton offrande
Nous éclairent, nous touchent, et nous tendent

Ce n'est ni chance, ni hasard
Si tu réussis cette union
Tu portes toi aussi ta part
De pensée sans illusion
Certes, mais forte de l'utopie
Que l'homme peut grandir en esprit

Merci William, de t'en tenir
Si fermement à la vision
Qu'il est possible de cueillir
L'écho multiple des connexions
Entre la grâce de mots d'hier
Et leur impact dans notre univers

Claudette Belhassen
Paris, le 28 novembre 2009

Pour la centième représentation
des Confessions de Jean-Jacques Rousseau
par William della Rocca, chez Agnès Brabo



Ce très beau portrait de Claudette est l'oeuvre de Martine Salzmann

********************

Comme un bonheur ne vient jamais seul, à ce touchant poème s’est ajouté un cadeau de grande valeur dans le tableau que m’a offert une autre de mes plus fidèles spectatrices, Martine Salzmann, peintre de son état et qui a composé spécialement à mon intention, et dans celle également de rendre par là un digne hommage à Jean-Jacques, grand amoureux de la nature s’il en est, un dessin au fusain inspiré d’un tableau de John Constable, ce peintre paysagiste anglais qui fut un des précuseurs, disent les spécialistes, de l’impressionnisme. Ce dessin représente un hêtre majestueux, un de ces arbres contre lesquels Jean-Jacques a dû plus d’une fois dans sa vie chercher le repos et le réconfort qu’il peinait à trouver auprès des hommes.

Merci, Martine, pour ce cadeau magnifique, inspiré et précieux !

Les spectateurs ont la parole (2)


Certes, Fanny Atlan n'est pas pour moi une spectatrice comme les autres puisqu'elle a encouragé, observé et accompagné patiemment mes premiers tâtonnements dans l'expression de la pensée de Jean-Jacques. Le spectacle lui doit beaucoup. Elle est aussi une amie de longue date et une comédienne qui m'a toujours épaté. Merci à elle pour le texte qu'elle m'a envoyé et que je reproduis, avec son accord, ci-dessous :


Il serait faux de dire que, dans ce spectacle, William Della Rocca "joue" Jean-Jacques Rousseau. Et il serait tout aussi faux d'affirmer que William Della Rocca "interprète" les textes des "Confessions".

Parce que William est Jean-Jacques Rousseau, tout simplement.

Et ce Jean-Jacques Rousseau se raconte, s'épanche, s'interroge, se tourne en dérision avec une simplicité désarmante.

Simplicité qui nous le révèle une fois pour toutes, nous attache à lui inconditionnellement, nous donne envie de lui tendre la main et de le caresser...

Maintes fois, tandis que Jean-Jacques se livrait à nous, je me suis surprise à hocher la tête comme si je voulais lui faire savoir que je le comprenais ; maintes fois encore, je me suis retenue de prendre la parole pour donner à ce personnage si célèbre un conseil ou un avis ; difficile de se contenter d'être de simples spectateurs quand l'acteur, de par son talent, nous rend si actifs !

Car oui, bien sûr, c'est bien un acteur qui est là, oui, c'est bien sûr un acteur qui manie avec cette incroyable facilité le texte si littéraire de Rousseau : au point que nous n'en perdons pas une miette et que nous en devenons tellement plus intelligents !

Et si ce talent ne se résumait qu'à cette rare facilité à dire ce texte, ce serait déjà énorme ; mais William ne se contente pas de cette qualité, et il finit de nous faire fondre avec sa fraîcheur, sa générosité et son émotion. Mieux que nous faire fondre, il nous cueille, nous surprend, nous tétanise, quand une larme perle au coin de son oeil et qu'il lutte, comme Jean-Jacques le ferait sûrement, contre cet accès ce chagrin...

Fanny Atlan


Vous pouvez vous aussi rédiger votre propre commentaire sur le spectacle et ce qu'il vous a inspiré et me l'adresser par courriel à l'adresse suivante : jeanjacquesetmoi@free.fr

Je le reproduirai ensuite ici-même, avec votre permission.

William della Rocca

Toute une semaine avec Jean-Jacques...




Les six premiers livres des Confessions ont été représentés du lundi 30 novembre au samedi 5 décembre derniers, à raison d'un livre par jour, chez Dominique Drouet et Colette Perrier, impasse Popincourt, dans le 11ème arrondissement à Paris.

Ce fut une expérience intense, un peu stressante, mais qui valait largement le coup d'être tentée, et qui sera très certainement renouvelée régulièrement d'ici à la finalisation du projet. Et même après.

Mes pensées et ma reconnaissance vont à la bonne centaine de spectateurs qui sont venus nous écouter durant cette semaine, Jean-Jacques et moi, et plus particulièrement à Louise Habbah et Michel Blanc.

Bien entendu, je remercie du fond du coeur Colette et Dominique pour leur accueil et leur bienveillance à mon égard, et je tiens également à rendre hommage à ma mémoire qui m'a permis de constater, à cette occasion, que je pouvais compter sur elle.

Cent représentations...


Aujourd'hui, samedi 28 novembre, a lieu la centième représentation de Jean-Jacques.

Je dis merci à toutes celles et tous ceux qui sont venu(e)s participer à une ou plusieurs des quatre-vingt-dix-neuf soirées qui ont précédé celle-ci, et particulièrement à celles et ceux qui ont accueilli une ou plusieurs représentations de ce spectacle chez eux.

Je suis bien conscient que sans la générosité d’Agnès Brabo tout cela n’aurait pu exister. Je sais que les spectateurs de la rue Saint-Honoré apprécient à sa juste valeur son hospitalité et sa gentillesse, et aiment venir et revenir chez elle pour ces soirées si particulières. Voilà pourquoi je tiens à la remercier, en leur nom et au mien, de nous avoir accueillis, Jean-Jacques et moi, avec tant de d’amour et de simplicité.



Cette très belle photo d'Agnès est l'oeuvre de Jérôme Marelle.
Je le remercie de m'avoir permis de l'exposer ici.

Jean-Jacques au Musée des Beaux-Arts de Tours


Depuis octobre 2007, j'ai le grand plaisir de revenir chaque automne au Musée des Beaux-Arts de Tours pour y présenter, devant un public fidèle, les deux épisodes de Jean-Jacques que j'ai créés dans l'année.

En novembre dernier, les deux représentations de Jean-Jacques ont eu lieu, comme à l'accoutumée, dans le magnifique salon jaune, ou salon Louis XVI. Une lecture de A propos des Charmettes de George Sand s'est déroulée, quant à elle, dans une des salles consacrées à la peinture du XIXème siècle.

Je remercie de tout coeur les Amis de la Bibliothèque et du Musée et M. Philippe Le Leyzour, conservateur en chef du Musée, de me permettre de présenter ce spectacle dans d'aussi parfaites conditions.

A l'an prochain...



Rousseau ressuscité, par Philippe Lejeune




Il s’appelle William della Rocca, il est acteur. Comme Rousseau, il a formé « une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur » : celle de mémoriser la totalité des douze « Livres » des Confessions (656 pages serrées dans l’édition de la Pléiade), et de les dire sur scène, devant un petit public. C’est une entreprise au long cours : commencée en 2007, elle arrive cette année à sa mi-temps ; en ce mois d’octobre 2009, il donne les premières représentations du livre VI, son objectif étant d’arriver au livre XII en… 2012, pour le tricentenaire de la naissance de Rousseau. Ce n’est pas seulement une question de mémoire, mais de voix et de sensibilité. Dans les Confessions, Rousseau parle à son lecteur. C’est une longue confidence : tendresse, fierté, humour, honte, mélancolie, avec les nuances et les inflexions d’une voix familière, celle d’un homme qui essaie de voir clair dans sa vie et d’en ressaisir la saveur. William della Rocca s’est placé dans un cadre intime : il joue en théâtre d’appartement, chez des amis, devant une vingtaine de personnes. Après le spectacle, il prend le verre de l’amitié avec ses spectateurs. C’est pour lui une expérience spirituelle intense que de consacrer six ans entiers de sa vie à dire la vie d’un autre. Et pour le spectateur, il est étrange et bouleversant de passer une soirée en tête-en-tête avec Rousseau – car il est impossible de ne pas y croire. C’est une manière de découvrir Rousseau, si on n’en avait qu’une vague et scolaire idée – et de changer d’avis, si l’on avait des préjugés. Une manière de renouer des liens d’amitié, si on avait déjà fréquenté le texte des Confessions. Dans tous les cas, qu’on aime ou non, cela conduit à penser à soi, à sa vie, car ces méditations, examens de conscience et plongées dans le souvenir sont contagieux.

Il faut bien sûr réserver sa place, moyennant une modique contribution. On peut aussi organiser chez soi, pour ses amis, la lecture d’un livre. En décembre, William della Rocca enchaînera, d’un lundi à un samedi, les six premiers livres. Et plus tard, ne serait-ce qu’aux Journées 2012 à Genève, il sera Rousseau pour l’APA.


Article paru dans La Faute à Rousseau n° 52,

la revue de l'Association Pour l'Autobiographie, du mois d'octobre 2009


A propos des Charmettes...


Le 8 octobre dernier a eu lieu la première représentation du sixième épisode de Jean-Jacques.

Avec ce nouveau spectacle je suis arrivé à mi-chemin de l’accomplissement de mon projet d’adapter pour la scène les douze livres des Confessions de Jean-Jacques Rousseau

De plus, grâce à la fidélité d’un public qui n’a cessé de s’étoffer au fil du temps, j'ai fêté le 28 novembre la centième représentation de ce spectacle. Ce qui constitue un véritable petit miracle dont je suis reconnaissant et fier.

Afin de célébrer ces deux étapes significatives, j’ai décidé d’inaugurer un cycle de lectures de textes dont l’auteur ou le sujet seront Jean-Jacques Rousseau.

Le premier de ces textes a été écrit au XIXème siècle par George Sand, qui prend, avec la passion qui la caractérise, la défense de celui qu’elle considérait comme un de ses maîtres. Il est intitulé A propos des Charmettes et a été publié suite à sa visite dans la demeure de Jean-Jacques et madame de Warens à Chambéry, demeure dont il est grandement question dans le sixième livre des Confessions.

Je l'ai lu à trois reprises, les jeudi 12 et vendredi 13 novembre, chez Agnès Brabo, rue Saint-Honoré à Paris, puis le mercredi 25 novembre au Musée des Beaux-Arts de Tours.

Je le lirai à nouveau en 2010. Les dates et lieux vous seront bien évidemment communiqués sur ce blog.

Ce texte est publié aux Presses Universitaires de Grenoble, en complèment du roman Mademoiselle La Quintinie.


Une visite aux Charmettes







































Les Charmettes sont ouvertes au public tous les jours
de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures,
sauf les mardis et sauf les jours fériés
(1er janvier, lundi de Pâques, 1er mai, 8 mai, 14 juillet, 15 Août,
1er novembre, 11 novembre, 25 décembre)

Attention : fermeture à 16 h 30 du 1er octobre au 31 mars

La maison est située à 20 minutes à pied du centre de Chambéry.
Devant le Carré Curial (Médiathèque Jean-Jacques Rousseau),
suivre la Rue de la République,
puis la Rue Jean-Jacques Rousseau, puis le chemin des Charmettes,
vous êtes dans le vallon de Jean-Jacques…
L'accès est possible aussi en voiture (5 minutes du centre).
Pour consulter le plan :

dimanche 11 octobre 2009

Résumé du sixième épisode (1737 - 1740) + index des personnes citées & lexique



Ce qu’on a appelé « l’idylle des Charmettes » va durer quatre ou cinq ans, occupés par des études encyclopédiques. Mais sa santé toujours médiocre détermine Jean-Jacques à aller consulter les médecins à Montpellier. Le trajet est agrémenté par une aventure avec une voyageuse de rencontre, Mme de Larnage. De retour aux Charmettes, Jean-Jacques s’y voit supplanté par un nouveau venu. Il part pour Lyon où il passera un an comme précepteur chez le prévôt Mably, puis pour Paris, dans l'espoir d'y faire fortune avec un nouveau système de notation musicale.

Jacques Voisine
Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau


Les représentations du sixième épisode ont débuté le 8 octobre 2009

INDEX DES PERSONNES CITÉES DANS CET ÉPISODE

Jean-Baptiste Salomon, mort le 20 mai 1757 âgé d’environ 74 ans, médecin à Saint-Jean-de-Maurienne puis à Chambéry dès 1728.

Jean-Baptiste Bouchard, né vers 1707, décédé le 9 novembre 1747, libraire à Chambéry.

Antoine Fizes (1690 – 1765), médecin et professeur à la Faculté de médecine de Montpellier, avait acquis une grande réputation comme praticien. Il fut appelé à Paris comme médecin du duc d’Orléans, mais n’y fit qu’un court séjour.

Mme du Colombier, née Justine de Chabrière de la Roche, était la femme d’un conseiller du Roy au Parlement de Grenoble.

Mme de Larnage, née Suzanne-Françoise du Saulzey (ou Sozey), était âgée de près de 45 ans au moment où Jean-Jacques fit sa connaissance. Elle avait épousé le 11 juin 1716 Louis-François d’Hademar de Monteil de Bruneil, sieur de Larnage, lieutenant-général des armées du roi. Mère de dix enfants, elle mourut, séparée de son mari, en 1754.

Joseph-Louis-Bernard de Blégiers, marquis de Taulignan (et non Torignan), baron de Barry, seigneur de Puy-Méras et d’Antellon, né en septembre 1666, avait 71 ans quand Jean-Jacques le rencontra.

M. Fitz-Moris serait probablement Thomas Fitzmoris qui, en mars 1749, concourut sans succès pour la chaire de médecine devenue vacante au décès de son compatriote, le professeur Fitzgerald.

Jean-Samuel-Rodolphe Wintzenried, né à Courtilles, dans le pays de Vaud, et baptisé le 8 mars 1716, fils d’un châtelain et justicier dudit lieu, quitta fort jeune son pays et se convertit au catholicisme. Associé aux divers entreprises de Mme de Warens, il devint, en 1749, inspecteur et contrôleur des mines de la Haute-Maurienne. Il renonça à cet emploi trois ans plus tard et obtint avec Mme de Warens le privilège exclusif de la recherche de la houille en Savoie. En 1753, il épousa une jeune fille de 18 ans, Jeanne-Marie Bergonzy, et mourut à Chambéry le 18 février 1772. On s’accorde à penser que Jean-Jacques s’est vengé de lui en le traitant de perruquier, car rien n’indique qu’il ait jamais exercé cette profession.

Jean Bonnot, seigneur de Mably, né à Briançon le 20 septembre 1696, avait acquis en 1729 la charge de prévôt général de la maréchaussée des provinces du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais. Il était frère de l’abbé de Mably, l’économiste, et du philosophe Condillac.

François-Paul-Marie Bonnot de Mably est né le 5 septembre 1734. Il ne semble pas avoir porté par la suite la nom de Sainte-Marie (d’après une terre que sa famille possédait dans le Forez). Il vécut célibataire avec sa mère à Lyon et à Montluel et mourut vraisemblablement en 1785.

Jean-Antoine Bonnot de Mably, né le 27 novembre 1735, appelé Condillac d’après une terre que sa famille possédait aux environs de Montélimar, entrera dans l’ordre des Célestins de Lyon, à l’âge de 19 ans.

Antoinette Chol, fille d'un conseiller du roi, contrôleur à la monnaie de Lyon, baptisée le 23 mai 1711, avait épousé le 25 août 1732 M. de Mably.

Lexique du sixième épisode

Il n’était dans aucune chose assignable : déterminable

une petite montagne au sommet de laquelle il a un joli salon : espèce de grand cabinet rond ou à pans, fait de treillage de fer et de bois, et couvert de verdure, dans un jardin.

in anima vili : sur une vie de peu de prix.

Salomon convaincu que ses drogues ne pouvaient me sauver m'en épargna le déboire : l’arrière-goût désagréable d’une boisson, d’une potion.

je m'assortis de quelques livres pour les Charmettes : se pourvoir.

il ne résulte pas d'un recueil de faits : il faut entendre d’un concours de circonstances.

un air de grimoire qui les effraya : il faut entendre un « air de mystère». Un grimoire est un livre dont les magiciens se servent pour évoquer les démons.

un chapeau clabaud par-dessus mon bonnet : se dit d’un chapeau qui a les bords pendants.

un pet-en-l’air ouaté : robe de chambre ne descendant pas plus bas que les reins.

l’un des paysans témoin de mes conjurations : paroles dont on se sert pour conjurer les démons.

les désabusèrent par provision : préalablement, en attendant.

il se mêlait à tout cela beaucoup de vapeurs : de neurasthénie.

ma machine en décadence m’en empêchait : ensemble des organes qui composent le corps de l’homme.

Madame du Colombier trop entourée de ses jeunes roquets : des hommes comparés à des petits chiens.

on ne m’avait pas soupçonné d’aller y faire un tour de casserole : subir un traitement antivénérien. D’après Casserole, hôpital où l’on traitait les maladies vénériennes.

avec des femmes galantes ce mot de nouveau converti m’allait tuer : au sens de : femmes d’esprit, du monde.

Je me donnai pour jacobite : les Jacobites sont les partisans du roi Jacques II Stuart, exilé après la révolution de 1688.

Parlant comme le beau Liandre : le jeune premier, l’élégant amoureux de la Commedia dell’ Arte.

malin, mais d’une malignité gaie : Jean-Jacques dit malin où ses contemporains auraient dit malicieux.

musard : qui s’arrête, qui s’amuse partout.

Je ne savais employer auprès d’eux que trois instruments : figurément, chose qui sert à produire quelque effet, et à parvenir à quelque fin.

La pension se mangeait d’avance, les quartiers en étaient engagés : la pension était payée tous les trois mois.

J’avais été arrêté par les difficultés des octaves, (...) et des valeurs : durée que doit avoir chaque note relativement à sa figure.

jeudi 16 avril 2009

L'Association pour l'autobiographie et le Patrimoine Autobiographique (A.P.A.)


Monsieur Bernard Massip, membre de l'A.P.A. (Association pour l'autobiographie et le Patrimoine Autobiographique) est venu assister à l'une des représentations du cinquième épisode de Jean-Jacques en mars dernier. Il en a ensuite fait un compte-rendu sur le site de son association. Il m'a très aimablement autorisé à le reproduire ici, ce dont je le remercie.


Jean-Jacques Rousseau
Jean Jacques d’après les Confessions,
par William della Rocca (Spectacle)

Spectacle théâtral à épisodes, 2007-2012

William della Rocca s’est lancé dans une entreprise théâtrale ambitieuse et singulière. Il a décidé d’adapter, seul à la scène, rien moins que Les Confessions de Rousseau dans leur ensemble. Chacun des douze livres des Confessions donne lieu à un spectacle, dans lequel l’acteur reprend le texte de Rousseau, ne pratiquant que quelques coupures nécessaires pour que la représentation conserve une durée raisonnable. Il a commencé son entreprise en février 2007 et à raison de 2 spectacles par an, il compte en donner le dernier volet en juin 2012, à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Rousseau.

Ces spectacles se donnent le plus souvent en petit comité, en théâtre d’appartement, dans les conditions que l’acteur apprécie car elles lui permettent de partager une plus grande intimité avec son public. J’ai assisté pour ma part à une représentation du cinquième épisode, évoquant la période 1732-1736, le séjour à Chambéry auprès de Madame de Warens.

Pour tout décor, une tenture rouge, un lutrin sur lequel est posé un grand livre, un fauteuil. Rousseau surgit, en costume d’époque, les traits déjà marqués par l’âge, Rousseau, tel qu’en lui-même... Il s’approche de nous... Il commence...

Et c’est toute la saveur alors d’un texte plein de vivacité basculant sans cesse entre différents registres, scénettes imagées et drôles, moments plus raisonneurs, souvenirs chargés d’émotion. Le ton de l’acteur épouse à merveille toutes les bigarrures du texte et maintient sans désemparer notre attention au long d’une prestation de plus de deux heures.

Voici le jeune Jean-Jacques faisant son éducation sous la houlette affectueuse de Madame de Warens dans la bonne société locale, s’initiant non sans gaucherie à l’art de la conversation, quittant son ennuyeux emploi au cadastre pour virevolter auprès des demoiselles en leur prodiguant des leçons de musique. Le voici entraîné presque à son corps défendant (ah les délicieux sophismes de ses justifications !) dans les bras de « Maman » puis voici la vie en bonne intelligence d’un trio aimant: « Ainsi s’établit entre nous trois une société sans autre exemple sur la terre ». Voici les moments plus difficiles, le drame de la mort de Claude Anet - et là le regard de l’acteur se fait brillant, la larme roule sur sa joue -, voici les soucis matériels qui menacent. Et voici enfin l’évocation émerveillée, mais chargée d’une intense mélancolie par Rousseau vieillissant au travers de la voix de l’acteur, de la première visite au havre des Charmettes... A suivre...

C’est là-dessus que je laisse Jean-Jacques. Non sans savoir que je pourrai le retrouver pour le sixième épisode à partir d’octobre 2009.

Bernard Massip, 2009-03-28


http://www.sitapa.org/accueil.php

lundi 16 mars 2009

Résumé du cinquième épisode (1732 - 1736) + index des personnes citées & lexique


Logé de nouveau chez Mme de Warens, qui lui a procuré un emploi au cadastre, Jean-Jacques préfère bientôt enseigner de nouveau la musique. A l’occasion amoureux de ses écolières, il entre dans une situation de ménage à trois avec le domestique et herboriste à domicile de sa protectrice, Claude Anet. Un accident de laboratoire altère sa santé ; il persuade Mme de Warens de quitter la ville insalubre pour le vallon des Charmettes, Anet étant mort peu auparavant.

Jacques Voisine
Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau


Les représentations du cinquième épisode ont débuté le 12 mars 2009


INDEX DES PERSONNES CITÉES DANS CET ÉPISODE

Victor-Amédée Chapel, comte de Saint-Laurent (1682 – 1756), premier officier des finances en 1717, contrôleur général des finances en 1733, deviendra premier secrétaire d’Etat de l’Intérieur en 1742 et ministre d’Etat en 1750.

L’Abbé Palais serait, selon M. Georges Daumas, auteur des Notes sur le séjour de Rousseau à Chambéry, un abbé piémontais du nom de Jean-Antoine Palazzi, lequel avait été nommé en mars 1730 par le Saint-Siège prieur commendataire du Prieuré de Notre-Dame de Bellevaux en Bauges. Le prieur claustral ayant fait opposition, l’affaire fut portée devant le Sénat de Savoie, puis devant l’Intendance générale, ce qui obligea l’abbé Palazzi à séjourner à Chambéry, de l’été ou de l’automne 1732 au début de 1734. Une hypothèse plus récente désigne Jean-Joseph Palais (1712 – 1793), pendant un demi-siècle organiste de la cathédrale d’Auxerre. En 1791, la nation accorda une pension de 800 livres à l’homme qui avait eu l’honneur de donner les premiers éléments de musique à Jean-Jacques Rousseau.

Canavas, de son vrai nom Giovan Battista Canavazzo, était Piémontais d’origine. A son licenciement du service du cadastre, au printemps 1734, il trouva un emploi aux travaux publics, devint en 1736 inspecteur des digues de la Chautagne, quitta Chambéry vers la fin de 1742, pour se rendre à Paris où son mariage le fit entrer dans la famille du peintre Carl Van Loo.

Philibert Caton, vraisemblablement né au Bourget-du-Lac entre 1675 et 1680, semble être entré fort jeune dans l’ordre de l’Observance. Il fit probablement son noviciat au couvent de Sainte-Marie l’Egyptienne de Chambéry, puis fut envoyé à la Faculté de théologie de Paris grâce aux fonds spéciaux accordés par le Prince aux jeunes frères doués. En 1729, on le trouve définiteur de l’ordre des Cordeliers et le 1er août 1732 il prenait la charge de gardien du couvent de Sainte-Marie l’Egyptienne. Ce couvent était situé hors les murs et comprenait un ensemble de bâtiments conventuels auxquels était annexée une église. Des discordes graves, attisées par le gardien du couvent que le Père Caton avait évincé, ne tardèrent pas à déchirer la communauté de Sainte-Marie l’Egyptienne. Le Père Caton fut accusé de gestion frauduleuse et le roi Victor-Amédée dut ordonner une enquête, dont Georges Daumas a publié les conclusions, lavant le Père de toute accusation. On n’a pas retrouvé de documents sur la mort du Père Caton, mais en 1739 il n’était plus gardien du couvent de Sainte-Marie l’Egyptienne et un placet d’un de ses accusateurs reproche à l’un des conjurés d’avoir persécuté et poursuivi feu le Père Caton jusqu’au tombeau.

Péronne Lard, fille de l’épicier Jean Lard et de Marie Beauregard, était encore toute jeune lorsque Jean-Jacques lui donna des leçons de chant. Elle épousa en 1749, le docteur Joseph Fleury, qui devint trois ans plus tard proto-médecin de Savoie.

Marguerite de Lescheraines, fille du président de la Cour des comptes de Savoie, avait épousé en 1714, à 22 ans, le comte Bernard VI de Menthon.

Le docteur François Grossi (ou Grossy), né le 8 avril 1682 à Châteaufort en Chautagne, médecin ordinaire du roi de Sardaigne en 1726, accompagnait le souverain dans ses déplacements et assista certainement à la conversion de Mme de Warens à Evian. Proto-médecin de Savoie dès 1727, il dut séjourner en Piémont en 1733 et 1734 et revint pratiquer à Chambéry en 1735 jusqu’à sa retraite en 1749. Il mourut le 18 octobre 1752.

Jean-Charles de Saint-Nectaire (ou de Sennecterre) (1714 – 1785), épousa en 1738 Marie-Louise de Crussol-Saint-Sulpice.

Jean-Vincent Capperonnier de Gauffecourt (1691 – 1766), élève des jésuites, puis apprenti-horloger à Genève, fonctionna comme secrétaire de M. de La Closure, résident diplomatique de France à Genève en 1735 – 1737 et devint commis pour la fourniture des sels au Valais et à Genève, ce qui ne laissa pas de l’enrichir. Très liés avec les fermiers-généraux, avec Grimm et Diderot, il fut à la Chevrette l’hôte assidu de Mme d’Épinay. Pour satisfaire ses goûts de bibliophile, il monta une imprimerie à Montbrillant près Genève.

François-Joseph de Conzié, comte des Charmettes et baron d’Arenthon, futur syndic de Chambéry, né à Rumilly le 11 février 1707, tenait ces deux domaines de sa mère. Il reçut une éducation soignée, fit des voyages, passa quelques temps à la cour de Sardaigne et vint s’installer aux Charmettes dans l’hiver 1733 – 1734. Il y forma une importante bibliothèque, qui fut séquestrée à la Révolution. M. de Conzié se lia d’amitié avec Mme de Warens qu’il engagea à devenir sa voisine. Il fut également l’ami de Jean-Jacques et entretint avec lui une correspondance. C’est d’ailleurs lui qui lui annoncera la mort de Mme de Warens en 1762. Il mourut le 8 mai 1789.



Lexique du cinquième épisode

Les livres cinquième et sixième couvrent la période du retour de Jacques à Chambéry, fin septembre ou début octobre 1731 jusqu’à son départ pour Paris en 1741. La distinction entre les deux se fait peu clairement.

que si je n’avais pas acheté ces instructions : payé cet apprentissage de la vie au prix fort.

C’était, comme je crois l’avoir dit, un paysan de Moutru : orthographe alors usuelle de Montreux.

qui m'a bien l'air de faire sentir l'empyreume à vos drogues : huile qui sent le brûlé, ou d’une odeur désagréable.

A ce jardin était jointe une guinguette : petite maison de campagne (le premier sens est auberge). Le mot est d’abord le féminin de l’adjectif guinguet = étroit.

qu’on meubla suivant l’ordonnance : on dit dans le style familier d’un homme qui n’a que les meubles absolument nécessaires, et que l’Ordonnance défend d’éxécuter (c’est-à-dire de saisir), qu’il est meublé suivant l’Ordonnance. On le dit aussi par extension de tout ceux qui sont mal meublés.

l’Europe n’était pas si tranquille que moi : c’est le 10 octobre 1733 que la France et l’Empereur se déclarèrent la guerre. Quatre jours plus tard, le Piémont se joignait à la querelle et, peu après, les premières colonnes françaises traversaient la Savoie pour se porter en Italie.

Les opéras de Rameau commençaient à faire du bruit (...) Par hasard, j’entendis parler de son Traité de l’harmonie : Le Traité d’harmonie de Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764) parut en 1722. Son premier ouvrage fameux, Hippolyte et Aricie, fut représenté en 1732.

les concertants : un concertant est celui qui chante ou joue sa partie dans un concert.

il parvint (...) à être élu Définiteur de sa province : dans quelques ordres religieux, celui qui est préposé pour assister le Général ou le Provincial dans l’administration des affaires de l’Ordre.

Nous dînions souvent à son petit couvert : repas sans cérémonie.

On y disait le mot et la chose : se laisser aller à quelques plaisanteries un peu libres.

qui ne me prenait plus tout à fait au mot de M. d’Aubonne : qui ne me jugeait plus tout à fait selon le mot de M. d’Aubonne (qui avait prétendu que Jean-Jacques était un sot et qu’il serait tout au plus un curé de village).

Elle avait été cause, à ce qu'on disait, de bien des brouilleries, et d'une entre autres qui avait eu des suites fatales à la Maison d'Antremont : Jean-Jacques fait peut-être allusion à l’affaire du jeune comte de Bellegarde, qui fut accusé d’avoir écrit et répandu des placards injurieux pour le vicaire de police et obligé de quitter le pays pour échapper à la prison.

pour m'apprendre à faire le Phébus avec les dames : faire le beau parleur. Un Phébus est un homme qui brille par son langage et ses manières galantes.

je vécus tranquille et toujours bien voulu dans Chambéri : pour qui on a de bonnes dispositions.

Naturellement ce que j'avais à craindre dans l'attente de la possession d'une personne si chérie était de l'anticiper : Jean-Jacques fait ici allusion à la difficulté qu'il éprouvait à maîtriser son désir amoureux et à ne pas prendre trop tôt son plaisir, solitairement.

Maman, toujours projetante : qui forme des projets.

rien n'engendre plus de riens, de rapports, de paquets : se dit figurément d’une malice, d’une tromperie qu’on fait à quelqu’un.

Faire des noeuds c'est ne rien faire : former au moyen d’une navette, sur un cordon de fil ou de soie, des noeuds serrés les uns contre les autres, manière, pour les femmes du monde, de se donner l’air d’avoir une occupation.

voir pendant ce temps une douzaine de flandrins : terme de mépris. C’est un grand flandrin, un homme élancé, grand et fluet, de mauvais air, qui n’a nulle contenance.

(…) fatiguer leur minerve : au sens ironique de : ils fatiguaient leur cerveau, Minerve étant la déesse de l’intelligence.

La maison ne désemplissait pas de charlatans, de fabricants, de souffleurs : ceux qui par l’Alchimie cherchent la pierre philosophale. On les appelait ainsi parce qu’ils soufflaient sur la braise de leur fourneau pour l’attiser.

La retraite du Protomédecin : médecin principal ou premier médecin.

il gagna une pleurésie dont le génépi ne put le sauver : armoise médicale tonique et sudorifique qu’on trouve dans les Alpes.

Maman (…) m’appelait son petit Mentor : guide avisé et prudent. Dans la légende, Minerve prenait les traits de Mentor, ami d’Ulysse, pour conseiller Télémaque.

Je devenais vilain par un motif très noble : signifie quelquefois avare, qui vit mesquinement.

il n'eût pas convenu, tandis qu'elle était aux expédients, qu'elle eût su que j'avais de l'argent mignon : en style familier, de l’argent comptant qu’on a mis en réserve pour quelque dépense superflue.

Ce fut à peu près dans ce temps-là que, la paix étant faite, l'armée française repassa les monts : les préliminaires de paix entre la France et l’Empire furent signés le 30 octobre 1735.

L'opéra de Jephté était alors dans sa nouveauté : tragédie lyrique tirée de l’Ecriture sainte, de l’abbé Pellegrin, musique de Monteclair, fut représentée à l’Académie royale de musique le 28 février 1732.

je l'avais vivement exhortée à réformer sa dépense : retrancher ce qui est de trop.

Un croquant arrivait-il ? : un homme de néant, un misérable.

des nouvelles toutes fraîches de la République des Lettres : l’ensemble des érudits d’Europe, liés par une étroite correspondance ; l’expression remonte au début du XVIIème siècle.

Je voulus à son exemple faire de l'encre de sympathie : ou encre sympathique. Encre sans couleur qui ne se révèle que sous l’effet de la chaleur ou d’un agent chimique.

après avoir rempli une bouteille plus qu'à demi de chaux vive, d'orpiment et d'eau : arsenic jaune qu’on trouve tout formé dans les terres.

étant bien conformé par le coffre : expression métaphorique : ayant de bons poumons.

comme s’il se fût agi de la possession d’Hélène : princesse de Troie, célèbre pour sa beauté.

les vapeurs succédèrent aux passions : les affections hypocondriaques et hystériques, aujourd’hui les troubles neuro-végétatifs en général. Une certaine maladie dont l’effet est de rendre mélancolique, quelquefois même de faire pleurer, et qui resserre le coeur et embarrasse la tête. L’usage de ce mot remonte au XVIIème siècle.

en faisant diversion aux projets et tenant écartés les projeteurs : les faiseurs de projets, au sens péjoratif.